Eté indien, l'après midi, le matin, fait pas bien
Eté indien, l'après midi, le matin, fait pas bien chaud... Mamie nous dit que chez elle, elle prend encore son petit déjeuner dehors, et pourtant, elle est matinale. Ce matin, quand je me suis levée, elle était déjà sortie acheter le pain, et comme elle a aperçu les parasols du marché Quai St Antoine, elle a même fait les courses pour préparer le repas de ce soir ! Hier soir, j'avais quand même fait l’effort d’un vrai repas, et invité Anne. Elle est venue toute seule car c'est une semaine Enfants et José est resté avece ses petits. Mamie nous a raconté sa famille, et nous la nôtre... Elle nous a parlé de Talika, la maman de Lisbeth, qui est morte d'une crise cardiaque quand Lisbeth avait deux mois. Nous allons connaître le papa, Orso, qui arrive de Turquie pour prendre dans ses bras ce bébé qui fait de lui un grand-père. Orso n'est pas un vrai ours, mais les bébés, il ne sait pas trop qu'en faire. Quand Talika est morte, il était aussi triste que désamparé, avec ce minuscule enfant sans maman. C'est Mamie qui a pris les choses en main, tout naturellement, et Orso est reparti, un peu lâchement, mais ça c'est moi qui le dis, par monts et par vaux pour sauver tous les inconnus du monde en guerre, laissant sa propre petite fille sous la protection de sa famille Corse. De toute façon, précise Mamie, qui a peut-être lu dans mes pensées, c'est ce qu'il avait prévu de faire, Talika vivante ou non, puisque son métier de médecin est sa raison d'être.
Il avait eu la volonté d'extraire Talika de sa vie en Inde, de sa pauvreté, de sa solitude, et il avait pensé lui offrir une vie pure et sereine. Son chagrin était renforcé par l'amertume de n'avoir pas sauvé Talika, son oiseau de Pondicherry... Il s’était persuadé que son coeur avait explosé, de trop de changements, de ce saut cosmique, les Corses doivent sembler des extra-terrestres aux Indiens de Pondicherry, et réciproquement. Souvent il s'était ouvert auprès de sa mère d'un sentiment de culpabilité insondable.
Toutes ses confidences ont été possibles car Paul était resté auprès de Lisbeth, et nous étions trois femmes, Mamie, Anne et moi dans un cocon d'émotions, il nous fallait tisser ensemble de vieux souvenirs pour relier notre nouvelle famille à la réalité. Nous aussi avons dévoilé nos parents, légèrement, et l’intimité naturelle additionnée à l’alcool de Cédrat que Mamaie avait mis dans son bagage nous ont poussé à faire l’étalage de nos nouvelles vies. On a fini par trinquer à l’amour, car c’est ce qui ressortait à l’évidence. Anne est restée dormir à la maison, elle est là, dans mon lit. Moi, je suis trop heureuse pour dormir encore. J’aime tant être là, précisément là, ce soir. Quel mystère, demain ? Quel mystère, hier !