J’ai fait un saut au Château en sortant du musée.
J’ai fait un saut au Château en sortant du musée. J’étais sapée mode week-end, jean et baskets, les fluos qui font faire une drôle de moue à Marie-Lou, elle ne me dit rien mais elle porte la réprobation sur son visage, les gens qui viennent au musée sont plus en costume du dimanche qu’en tenue décontractée. J’ai fait mine de ne rien remarquer, et j’ai fait aussi en sorte de rester derrière ma banque d’accueil. N’empêche, en sortant j’ai pu marcher d’un bon pas, voire trottiner pour vite vite rejoindre Dan. Il m’avait envoyé un SMS pour me dire qu’il avait monté une magnifique armoire bressane, et il voulait me la montrer.
Quand je suis arrivée, bien sûr il faisait nuit, il fait nuit tellement tôt, et la porte était entrouverte. Il y a un code d’accès qui est censé fonctionner, mais pas systématiquement, il y a des petits faux contacts. Tout l’immeuble était éclairé vivement. Je suis entrée et j’ai refermé derrière moi, puis je suis partie à la recherche de mon menuisier amateur de boiseries sculptées. La lumière était crue, blanche, écrasante. Pas un seul bruit ne m’indiquait où je pouvais trouver mon amoureux. Je l’appelais, joyeusement, mais ma voix semblait se perdre dans le silence glacé. Il n’était pas dans la cuisine, je le pressentais dans la chambre du bas, celle prévue pour sa mère, mais cette pièce aussi était déserte. J’ai pris mon téléphone pour le localiser, mais il n’a pas répondu, et je n’ai pas non plus entendu la sonnerie de son portable.
Sa sonnerie me donne toujours le sourire, il a téléchargé Nino Ferrer et son Gaston, ya l’téléphon qui son, mais là, pour tout dire, je n’avais pas le sourire. Je suis montée au premier étage, mais personne.
J’ai été prise d’une flambée d’angoisse, je suis redescendue en courant, mes baskets m’ont fait voler jusqu’au dehors, et je n’ai repris ma respiration qu’en sécurité sur le trottoir.
Impossible de joindre Dan, je suis rentrée à la maison dare dare, j’ai carrément couru ! et il était là, à m’attendre devant une bière. Il était en panne de batterie, et il m’avait envoyé un deuxième message pour m’avertir du changement de programme.
« Non, je n’ai pas reçu le deuxième SMS, ce n’est pas grave, non, mais c’est bizarre quand même que la porte n’ait pas été fermée. Oui, je l’ai bien tiré la poignée en sortant, mais tu ne penses pas qu’il faudrait aller y mettre un tour de clé ».
Si, il pense que ce serait plus raisonnable. Je vais préparer le repas en attendant son retour. Nous avons prévu de manger tous ensemble ce soir, Paul nous a fait une soupe de courge. Je vais, je vais, ben je vais juste mettre la table et boire un pti coup de blanc, je suis toute émotionnée…
Nino Ferrer - Le telephone (1966)